BIZI n’est pas abertzale mais instrumentalise des notions et des images abertzale
Critique du projet « BURUJABE Reprendre possession de nos vies » de BIZI (3)
“Iñon ez iñor menpekorikan nor bere buruaren jabe,
herri guztiok bat eginikan ez gabiltza gerorik gabe”.
Joxean Artze / Mikel Laboa
Voici nos remarques sur le texte « souveraineté(s) : quelles priorités ? » du mouvement BIZI du 8 septembre 2023 (voir www.ezkermila.eus/fr).
En disant « honnêtement, il n’y a pas de raison de penser que la souveraineté institutionnelle de territoires plus réduits comme Euskal Herri soit meilleure a priori », BIZI met en évidence que la souveraineté, c’est-à-dire le fait d’avoir des institutions souveraines, autrement dit l’indépendance, n’est pas sa priorité, et parle à nouveau de territoire basque et non de peuple basque.
Lorsque l’indépendantiste Gandhi dit au plus haut représentant du Royaume Uni qu’ils devaient quitter l’Inde, le représentant répondit que si le Royaume Uni s’en allait, l’Inde souveraine aurait des problèmes internes. Gandhi lui dit alors : « c’est possible que nous ayons des problèmes internes, mais ce seront enfin nos problèmes, pas les vôtres ». De même, nous ne savons pas si avec des institutions souveraines la situation d’Euskal Herria sera meilleure, mais elle sera enfin fonction de ce que nous aurons décidé, et honnêtement, nous pensons que sans institutions souveraines la situation sera a priori moins bonne. C’est entre autres pour cela que nous sommes abertzale. En effet, selon le dictionnaire d’Euskaltzaindia, être abertzale c’est notamment revendiquer et construire en tant que peuple basque nos institutions souveraines pour nous gouverner nous-mêmes.
« C’est pour cela que Bizi travaille à faire en sorte qu’abertzale et non abertzale définissent ensemble un même projet de territoire soutenable et juste pour Euskal Herria » nous dit BIZI. Nous, nous discutons avec les non abertzale, avant tout pour qu’ils comprennent que les dirigeants des états français et espagnol oppriment le peuple basque ; et avec les abertzale, nous travaillons entre autres pour construire nos institutions souveraines et pour faire face aux capitalistes, c’est-à-dire à ceux qui détruisent la planète.
Nous aurions souhaité que BIZI réponde aux critiques à nos yeux fondamentales que nous lui avons faites quant aux concepts trompeurs de démocratie représentative et de démocratie participative, mais il ne le fait pas.
Via Campesina a depuis 1996 (et non pas 1993 comme dit BIZI) popularisé la notion de souveraineté alimentaire. BIZI dit être dans la lignée de cette notion. Pourtant, lors des forums mondiaux sur la souveraineté alimentaire organisés en 2002 à Rome et en 2007 à Mali, la notion de souveraineté alimentaire intégra les deux idées suivantes :
- le droit des peuples à définir et élaborer en toute autonomie leurs politiques publiques agroalimentaires ;
- le droit aux moyens institutionnels nécessaires.
La notion de souveraineté alimentaire intègre donc l’idée d’institutions souveraines des peuples. Nous pensons que le projet de BIZI n’est pas dans cette lignée, car il ne parle pas du droit du peuple basque à se gouverner.
Nous sommes étonnés de constater que BIZI souligne le fait que son document « Euskal Herria Burujabe » a été écris en 2018, comme si, maintenant qu’il a été publiquement critiqué, il datait, alors que lorsque BIZI a en janvier et juin derniers annoncé l’évènement « Euskal Herria Burujabe » d’octobre, il a mit en évidence le lien entre cet évènement et son document. De plus, depuis 2018, BIZI répand dans le public ce document ; la dernière fois qu’il la fait c’était le 19 juillet dernier.
En disant « c’est cette reprise de possession des conditions de nos vies que nous appelons souveraineté » (burujabetza), BIZI dépolitise la notion souveraineté / burujabetza et en donne sa définition, alors qu’en Euskal Herria cette notion est depuis très longtemps utilisée avec son vrai sens politique (indépendance). De même, BIZI utilise avec une signification de territoire l’image des sept provinces basques, alors que cette image véhicule depuis très longtemps la signification de peuple basque.
Le mouvement BIZI n’est pas abertzale ; pour cette raison nous pensons qu’il devrait arrêter d’utiliser le slogan « Euskal Herria Burujabe » qui est éminemment abertzale. Ne pas le faire serait continuer à vider de sens l’abertzalisme. Mais nous pensons aussi que BIZI a mieux à faire : devenir abertzale ! Ongi etorri !
Nous n’irons pas à l’évènement que BIZI organise à Baiona les 7 et 8 octobre, non pas parce que nous pensons que le projet « BURUJABE Reprendre possession de nos vies » de BIZI ne permet pas de reprendre possession de nos vies (voir notre seconde critique de ce projet dans www.herribiltza.eus), mais entre autres parce qu’à ces dates là nous préférons aller à Billabona où Euskal Herrian Euskaraz organise un évènement qui a pour slogan Independentzia.
Commission Euskal Herria Burujabe : Independentzia d’herriBiltza, 18.09.2023
www.herribiltza.eus