Entretien avec le réseau OSTIA

Ces 35 dernières annĂ©es, chaque annĂ©e, en moyenne en Labourd, Basse-Navarre ou Soule, l'agriculture a dĂ©finitivement perdu 290 hectares (1) de terres ! FrĂ©quemment, la terre est dĂ©tournĂ©e de sa fonction nourricière et les ventes spĂ©culatives se multiplient. De mĂªme, le logement est utilisĂ© au service d’intĂ©rĂªts autres que les besoins fondamentaux de tou.tes : investissement financier, rĂ©sidence secondaire, produit touristique, pour satisfaire l'appĂ©tit des promoteurs... Nous vous proposons un entretien avec des membres du rĂ©seau OSTIA mobilisĂ© sur ces problĂ©matiques.
1- 10 050 ha ont été perdu entre 1985 et 2020 (artificialisation pour fonctions urbaines, habitat, zone économique, infrastructures) soit 290 ha chaque année en moyenne. On a beaucoup artificialisé… sans pour autant résoudre les problèmes du logement...
2- OSTIA : Okupazio sare tematsua iribazi arte (Réseau d’occupant.es déterminé.es jusqu’à la victoire)
3- Euskal Laborarien Batasuna, syndicat paysan affilié à la Confédération paysanne.
4- Organisme achetant des terres pour faciliter l’installation paysanne. https://lurzaindia.eu/
5- Groupe de Soutien Ă l'Occupation de Berrueta
6- Baigorri, Aiziritze, Izturitze, Aiherra, Ahatsa, Lakarri, Ainhoa, Senpere, Sara, Irisarri, Uztaritze, Donoztiri...
7- Il s’agit d’une opération de 45 maisons (30 T4 et 15 T5) toutes avec jardin et garage, vendues par Bouygues Immobilier, ainsi que 9 maisons et 40 appartements pour l’Office 64.
8- CADE : Collectif des Associations de Défense de l'Environnement du Pays-Basque et du sud des Landes. https://www.cade-environnement.org/
9- Vente spĂ©culative d’un domaine de 52 hectares comprenant une maison, 7 hectares agricoles, un lac de 2 hectares et le reste de forĂªts. ELB, Lurzaindia, le collectif senpertar et OSTIA ont lancĂ© l’occupation le 27 juin 2023.
10- La plateforme Se loger au Pays/Herrian bizi s’est constituée fin 2021 er regroupe une trentaine de mouvements, partis et syndicats pour mobiliser la population face à la crise du logement. http://herrianbizi.com/
Qu'est-ce que le réseau OSTIA et comment a-t-il été créé ?
Le rĂ©seau OSTIA (2) est le fruit des rĂ©flexions menĂ©es lors de l'occupation de Berrueta Ă Arbona en 2021 et du collectif BOST crĂ©e Ă cette occasion. Le 23 juin 2021, l'occupation des terres par ELB (3) et Lurzaindia (4) avait commencĂ© pour dĂ©noncer leur vente spĂ©culative et dĂ©fendre leur fonction nourricière. A la mi-juillet, le Collectif BOST (5) avait Ă©tĂ© créé pour organiser les personnes qui participaient Ă l’occupation et soutenir les paysan.nes. Fin aoĂ»t, la dynamique de rĂ©partition des jours d'occupation « 1 Commune = 1 Jour » Ă©tait lancĂ©e et durait deux mois, Ă©largissant la participation citoyenne. Le 9 septembre, ELB et Lurzaindia annonçait la rupture de la vente et dĂ©cidaient de lever l'occupation le 24 octobre, après la fĂªte de Lurrama organisĂ©e sur place. Une bataille Ă©tait gagnĂ©e, certes, mais le problème restant prĂ©gnant, la rĂ©flexion se poursuivait au sein du collectif BOST pour donner une suite aux expĂ©riences vĂ©cues et aux contacts nouĂ©s durant ces mois de lutte. Le jour de Lurrama, le collectif lançait une invitation publique, pour arrĂªter les projets fonciers spĂ©culatifs par l’action directe, en donnant rendez-vous Ă toutes les personnes intĂ©ressĂ©es, le 3 novembre.
Ce jour-lĂ , 60 personnes de diffĂ©rents endroits se rĂ©unissaient Ă Kanbo et dĂ©cidaient de crĂ©er un rĂ©seau pour mutualiser les forces militantes et les ressources matĂ©rielles. Tout le monde partageait le dĂ©sir d'agir et Ă©tait prĂªt Ă y mettre de l’énergie, sans pour autant passer trop de temps en rĂ©unions et discussions.
Depuis, la nécessité d'une meilleure définition du réseau OSTIA s'est manifestée et en janvier 2023, une charte a été rédigée qui précise : « OSTIA est un réseau organisé au Pays Basque nord dont le but est de lutter pour défendre la terre nourricière, contre l’artificialisation des terres et la spéculation foncière et immobilière. »
Qui sont donc les membres de OSTIA et comment fonctionne le réseau ?
Des personnes ou des collectifs, comme il est écrit dans la charte : « Toutes les personnes le souhaitant, à titre individuel, qui partagent les principes de cette charte ainsi que les collectifs locaux qui en partagent les principes et le but. »
En termes de fonctionnement,, le rĂ©seau OSTIA est auto-organisĂ© en dehors de toute intervention externe et les dĂ©cisions sont prises lors d'assemblĂ©es entre membres ou participant.es aux actions. Autonome dans son action, il prend cependant en compte l’activitĂ© des autres structures et mouvements qui luttent sur le mĂªme terrain. OSTIA souhaite donner la prioritĂ© Ă l'action directe telle que l'occupation ou le blocage, afin de freiner les projets de spĂ©culation ou d'artificialisation, en ciblant et en faisant pression sur les acteurs qui en sont responsables.
Quelle a été l’action du réseau OSTIA depuis sa constitution ?
Depuis 2022, les initiatives locales visant à dénoncer les ventes spéculatives ou l'artificialisation des terres se sont multipliées sur tout le territoire du Pays Basque Nord (6). Nous avons relayé les informations et soutenu ces mobilisations locales. Nous avons également participé à des actions organisées par Lurzaindia comme dénoncer le rôle ambigu des notaires, faire pression sur un acheteur spéculateur au cour d’un voyage à Paris ou bloquer la vente aux enchères d'un domaine d'Azkarate. En juillet 2022, nous avons travaillé sur l'initiative proposée par le collectif BAM d'Anglet et nous avons occupé une résidence de luxe construite par le promoteur Alday pendant 6 jours.
A cette occasion vous avez dénoncée une autre problématique...
Oui, nous avons posĂ© publiquement la question : « Pour qui on construit-on? » En particulier sur la cĂ´te et le BAB, les règles de construction de logements sociaux dans les PLU (plans locaux d'urbanisme) sont souvent peu contraignantes et les promoteurs en profitent au moment de dĂ©poser des permis de construire. Ils dĂ©clarent par exemple 799 m², alors que l’obligation de construire des logements sociaux dĂ©marre Ă partir de 800 m² Ă Anglet ou se limitent Ă 14 appartements alors que le seuil imposant du logement social est Ă partir de 20, comme Ă Bayonne. Ils peuvent ainsi proposer des logements Ă 6, 7, 8 ou 10 000€ le mètre carrĂ©, la demande Ă©tant Ă©levĂ©e de la part de personnes Ă hauts revenus, sans rĂ©pondre aux besoins urgents de la grande majoritĂ© de la population. De tels logements deviennent des investissements financiers ou des rĂ©sidences secondaires pour les riches. Nous avons donc voulu non seulement dĂ©noncer l’appĂ¢t du gain des promoteurs, mais aussi interpeller les maires afin que tous les projets de construction rĂ©pondent en prioritĂ© aux besoins de la majoritĂ©.