"Nous présentons nos excuses aux personnes torturées"
Non, cette phrase n'a jamais été entendue au Pays Basque...
Le film documentaire “Non dago Mikel ?” à l’affiche de plusieurs salles du Pays Basque Nord, nous raconte la mort de Mikel Zabaltza entre les mains de la garde civile en 1985. Maelstrom d’émotions garanti : compassion, frayeur et colère alors que la thèse des autorités reste la vérité officielle : noyade de Mikel après son évasion.
Mais au-delà de ce cas extrême mais malheureusement pas unique, le film nous rappelle et peut-être apprend aux plus jeunes générations, qu’au Pays Basque Sud, jusqu’à il n’y a pas si longtemps, pour les personnes détenues sous le coup de la loi anti-terroriste, la torture était le pain quotidien. Des milliers de citoyen-ne-s ont directement subi la torture, et en tenant compte de leurs parents et proches, elle en a impacté des centaines de milliers.
Non seulement lors des années sombres de la dictature, mais aussi dans la mal nommée « jeune démocratie espagnole ». Non seulement parce que les policiers d'avant la transition étaient restés à leur poste, mais parce que leurs nouveaux collègues, protégés par une impunité quasi absolue, appliquaient les mêmes méthodes. Non seulement dans les casernes des forces de sécurité espagnoles, mais aussi parfois dans certains commissariats de la Ertzaintza.
Les mauvais traitements pour les gardé-e-s à vue n'étaient pas une exception, dérapages de « moutons noirs » parmi les policiers. La torture était systématique autant que systémique. Bien au-delà de la recherche d’informations, la torture était une méthode de gouvernement face à la révolte du peuple basque : terroriser la population et appliquer à la société une sanction collective à cause de l'existence des combattants basques.
Aujourd’hui dans la plupart des médias « mainstream » qui évoquent l’histoire des dernières décennies au Pays Basque, la violence structurelle de l’État espagnol dans les commissariats, les contrôles routiers, les manifestations a disparu du panorama. Dans le meilleurs des cas, on rappelle les épisodes de « guerre sale », mais comme un malheureux dérapage. N’existe plus que la violence de ETA, dépolitisée, irrationnelle. Impossible alors de comprendre le passé, la dynamique du conflit, l’engagement durant des décennies de milliers de personnes dans l’action armée clandestine.
À ceux et celles qui ont soutenu ou n’ont pas condamné la lutte armée, on exige aujourd’hui sans cesse de demander pardon aux victimes et à leurs familles, quelles qu’elles soient, y compris pour des Carrero Blanco et autres Melitón Manzanas* dont l’exécution fut saluée bien au-delà des frontières du Pays basque. Et cela ne suffit jamais. A quand des excuses de la part de l’État espagnol, des juges de l'Audience nationale, du Gouvernement basque lui-même, pour avoir pratiqué, protégé ou refusé d’éradiquer la torture pendant de si longues années ?
*Célèbre tortionnaire tué par ETA en 1968.