Soyons réalistes
Ni grande analyse ni scoop dans cet article, juste une piqûre de rappel et quelques suggestions.
Ultra libéralisme jusqu'au-boutiste
Le bouleversement climatique et la perte de la biodiversité s’accélèrent, pendant qu’une minorité infime accapare le maximum de richesses. Les États laissent faire, promettant quelques changements pour personne ne sait trop quand. Un pillage organisé grâce aux méandres de l’économie capitaliste.
Et toujours cette fascination aveugle à l’égard des technologies nouvelles, au détriment de choix moins nocifs. Rien à faire des déchets radioactifs produits, du lithium extrait ; la solution durable, c’est le nucléaire et les voitures électriques. Rien à faire des gens, caillez-vous en hiver, travaillez plus longtemps et obéissez ! Pour maintenir leurs privilèges et bien servir les intérêts financiers, nos grands irresponsables politiques mettent leurs bras armés, judiciaires et propagandistes à l’œuvre, avec les oppositions, en particulier écologistes, en ligne de mire. Gare à qui voudrait, dans l’immédiat et en profondeur, enclencher des tentatives de transformation.
A Sainte-Soline, on fait gazer des milliers de personnes qui ne veulent pas de bassines destinées à irriguer des monocultures intensives ; le ministre de l’Intérieur nous compare à des terroristes et autorise des dispositifs de surveillance adaptés à une telle menace. A Lützerath, le chancelier allemand envoie détruire le dernier village en lisière d’une énorme mine de charbon à ciel ouvert, en délogeant les occupants et allant interpeller jusqu’à Greta Thunberg. A Atlanta, une unité spéciale de la police abat un jeune activiste alors qu’il dormait dans une tente, dans une forêt destinée à être rasée pour y construire un grand centre d’entraînement de... la police.
Trois épisodes récents et révélateurs. Du flic pour du fric (et vice versa), avec une généralisation de la répression contre toutes les désobéissances civiles. La bourgeoisie est à l’offensive, méprise celui ou celle qui jette de la peinture inoffensive sur le plexiglas d’un tableau de maître, ou bloque une route pendant une heure. Vouloir appeler au bon sens face à l’urgence, c’est bien, mais prière de s’y prendre en ne provoquant ni gêne ni éclaboussure.
L’hirondelle ne fait pas le printemps
On critique, propose, combat comme l’on peut. C’est bien la justice sociale et les droits politiques que l’on veut gagner, le rapport au vivant que l’on veut changer ? Nous faisons beaucoup mais nous sommes malheureusement loin du compte. Dans cette configuration, l’humanité se réveillera trop tard pour espérer goûter à des jours meilleurs.
Et pourtant, nous avons de la potentialité, localement du moins, autant dans la rue que dans nombre d’institutions. Quels leviers mettre en place pour avoir une prise réelle sur nos terres, habitats, communes, frontières, sur nos vies ? Comment s’y prendre pour avancer d’un bon pas, œuvrer plus efficacement en faveur de l’intérêt général, ne pas se contenter de vouloir freiner quelques abus ici et là ?
Oser serait un verbe adéquat. Aller plus loin dans ses revendications et dans ses pratiques. Dans bon nombre d’organisations militantes, on s’en tient à ses principes, soit vouloir obtenir un petit peu, soit vouloir tout renverser. Entre habitudes de compromis et d’enfermements, il y a un vaste champ.
Se concerter, pour faire bloc. Objectif : mieux exister, en multicolore. Peu de confluences viennent questionner nos habitudes et idéologies et il y a beaucoup à faire pour peser vraiment, côte à côte. Envie de briller et illusion de gagner, méfiance et peur de la récupération… Un vieux cocktail paralysant et détonant, chacun-e s’y reconnaîtra. De là, accepter différents points de vue et modes d’action, chercher ce qui complémente et bouscule, faciliter l’expérimentation et la confiance.
Cliver, pour mettre le cadre imposé à nu. Assumer plus de conflictualité, la rendre plus légitime, plus joyeuse. Toutes ces règles et morales pour maintenir le système en l’état, jusqu’où devons-nous les cautionner ? La plupart des acquis ont été obtenus par des idées et méthodes jugées antirépublicaines et pas démocratiques par les tenants du pouvoir, ne l’oublions pas, ils louvoieront sans cesse pour nous enfoncer, se blanchir.
Alors, avec quels arguments et forces pourrions-nous changer la donne ? Pour, par exemple, faire passer des migrant-e-s régulièrement et au grand jour, installer des paysan-nes sur des terres occupées, des précaires dans des logements réquisitionnés ? Utiliser l’euskara partout comme langue prioritaire, organiser des protocoles et maraudes contre les agressions dans chaque fête de village, démanteler des infrastructures et s'en prendre à des productions qui bousillent l’environnement ? Quoi d’autre ?
Avant de vouloir agir, ce sont l’état d’esprit, la posture qui seraient à revoir. Combien d’initiatives ambitieuses pourraient s’articuler à partir de l’émancipation, de la créativité, de la générosité ?
Mission impossible ? Un processus sûrement long et sans doute téméraire. Ni perspective durable ni dynamique efficace, si ce n’est pas accompagné de volonté et de conditions préalables. Mais un voyage de dix mille lieues commence par un premier pas. Cessons de quémander ou de rêvasser, nous valons plus que cela.
Étirer la ligne
A quelques semaines d’une mobilisation internationale pour la défense de l’eau, qui s’annonce massive près de Poitiers, voilà un précédent tactique à regarder de près et qui peut nous inspirer : une myriade de tendances qui se mettent d’accord sur l’objectif et les moyens, qui étirent la ligne de front pour pouvoir mieux l’enjamber, en mettant leurs adversaires sur la défensive et en n’hésitant pas à les faire reculer.
Le Pays Basque sera t-il, ou pas, un territoire propice pour ce type de convergences, de victoires d’étape ? Les groupes abertzale et de gauche qui se posent des questions stratégiques, seront-ils prêts à opérer un virage plus déterminant, sans pour autant y perdre en pragmatisme ?