A Donamartiri contre la 5G
A deux reprises au cours ce des derniers mois, l'installation d'une antenne 5G a été bloquée par la mobilisation populaire. Un bilan d'étape avec Philippe Saint Arroman du collectif Aiherra Bizirik.
Après deux actions de blocage en mars et début novembre du début des travaux d'installation d'une antenne 5G de Free, où en est-on aujourd'hui ?
Eh bien, nous sommes dans l'expectative. Il semble que lors du dernier blocage, l'entreprise Free, qui était parfaitement au courant de nos intentions, ait principalement souhaité établir par constat d'huissier l'impossibilité de démarrer les travaux. Il est donc possible qu'on s'achemine vers une procédure judiciaire, ce qui pourrait prendre du temps. Mais ce serait pour les opposants à la 5G l'occasion de dénoncer les baux flous établis par les opérateurs et qui permettent un "changement de technologie" sans modification du contrat.
Deux autres opérateurs disposent déjà d'une antenne. Quand vont-ils y installer la 5G et quelle actions envisagez-vous ?
Il est impossible de savoir quand un opérateur va décider de passer de la 4G à la 5G, du moins s'il s'agit de 5G 700 mégahertz, car il suffit d'un simple réglage au pied de l'antenne. Sauf avoir des infos internes de l'opérateur, il sera donc impossible de l'empêcher par blocage par exemple. C'est pourquoi il est capital de faire comprendre aux citoyens et aux élus qu'avec le déploiement de la 3G/4G, en particulier au niveau des zones dites "blanches", c'est la porte ouverte à la mise en place de la 5G.
Comment s'est construite localement la mobilisation contre la 5G ? Quels en ont été les acteurs ?
En fait l'association Aiherra Bizirik s'était constitué fin 2020 afin de lutter en particulier contre le compteur Linky et la 5G. Il n'y avait pas à ce moment de projet d'antenne précis sur la Commune et ce sont des personnes qui avaient refusé le compteur Linky qui ont constitué le groupe de base. Il nous a semblé important d'entamer une campagne d'information sur la 5G avant que les opérateurs n'interviennent. Notre premier tract de sensibilisation a été d'autant mieux perçu que deux antennes venaient d'être posées sur Isturitze et Lekuine, dans le cadre de la couverture des zones dites "blanches" sans que les riverains en soient informés et avec des moyens techniques impressionnants. Malgré les restrictions sanitaires nous sommes allé de maison en maison pour faire signer une pétition demandant à la municipalité de se positionner contre la 5G. Pour clore cette campagne, nous avons pu organiser une réunion publique avec le CADE et c'est là que le collectif Arberoa Babestu de Donamartiri nous a fait connaître ce projet d'antenne 5G sur leur Commune. Ce qui fait qu'au moment du démarrage prévu des travaux, les élus d'Aiherra et Donamartiri avaient demandé un moratoire sur la 5G (Suivis plus tard par les élus d'Izturitze). Pour tout ce qui concerne le combat contre le projet de Donamartiri nous avons donc fonctionné en collectif élargi sur la vallée de l'Arbéroue.
Comment avez-vous déterminé votre mode d'action ? Y a-t-il eu des débats entre vous ?
Il y a forcément eu des débats entre nous sur les modes d'action, ou plus exactement des discussions afin de déterminer les modes d'action les plus appropriés, sans à priori et toujours de façon consensuelle. Lors du blocage du 29 mars, nous n'avions rien préparé de très précis, mais nous avions l'avantage de la surprise (les sous-traitants de Free ignoraient totalement le conflit en cours) et l'aide inattendue d'un Basajaun et de Errensugea. Concernant l'action du 2 novembre, l'opérateur tout comme les forces de l'ordre étant parfaitement au courant de nos intentions, nous avions imaginé un scenario tout en étant clairs sur le fait que ce serait les participants, sur le moment, qui décideraient collectivement du mode d'action. Nous avions néanmoins fixé des limites, à savoir qu'il serait contre-productif qu'un certain type d'action débouche sur une ou plusieurs inculpations et qu'il ne faudrait pas non-plus que le propriétaire du site, qui est de notre côté, puisse être inquiété.
Quels enseignements tirez-vous de cette mobilisation ? Aura-t-elle une suite ?
Je pense que l'enseignement principal qu'il faut tirer de cette mobilisation est qu'une lutte a d'autant plus de chance d'obtenir une victoire qu'elle est précédée d'un travail de sensibilisation. C'est probablement plus facile dans une petite communauté rurale (surtout quand celle-ci a déjà une tradition de lutte comme c'est le cas en Arbéroue avec le combat pour sauvegarder le massif d'Eltzaruze) que dans une grande ville où il faudrait peut-être envisager un travail par quartiers. Dans le même ordre d'idée, le blocage du 2 novembre était le point d'orgue de la mobilisation, intervenant après un week-end de mobilisation (3 conférences et un concert sur site).
Quant à la suite, il y en aura nécessairement une car, même au cas où Free choisirait de renoncer à ce site, les opérateurs ne manquent pas de projets. Il ne manque pas non-plus de propriétaires, publics ou privés, prêts à accueillir une antenne-relai contre un loyer. Il y a donc tout un travail à faire dans les Communes afin que les opérateurs ne trouvent pas de site d'implantation. Cela s'est fait à Aiherra puisque la municipalité a fait parvenir un courrier à tous les propriétaires pour leur signifier son opposition à tout nouveau projet d'antenne. A l'autre bout de la chaîne, un véritable boycott des abonnement 5G obligerait les opérateurs à revoir leur programme. On en est pas là mais il semble que les prévisions d'achat, qu'il s'agisse d'abonnements ou de téléphones 5G, ne soient pas au rendez-vous...
En quoi peut-elle être utile à d'autres et ailleurs ?
Il me semble que même si le contexte est particulier (un propriétaire partie prenante de la lutte, des élus plutôt proches de leurs administrés, une population assez conscientisée), il y a probablement des choix stratégiques et des modes de fonctionnement qui peuvent inspirer d'autres groupes en lutte, ici comme ailleurs. Lors du dernier week-end de mobilisation, nous avons aussi accueilli des opposants à la 5G d'autres régions ; gageons qu'il sont retournés chez eux regonflés à bloc !