Merci Barrionuevo !
Quoique douloureuses, il faut "remercier" Barrionuevo pour ses déclarations. En effet, elles contredisent le récit dominant et rappellent la brutalité du conflit.
Les déclarations faites dimanche dernier par l'ancien ministre de l'Intérieur espagnol dans le quotidien El País ont suscité de nombreux réactions. Bien que le retraité de 80 ans ne raconte rien de nouveau, sa tranquillité et le sentiment d'impunité qu’il dégage en parlant de cette époque sont injurieux. Ce sourire quand il évoque l’échec de l'enlèvement d'un réfugié « parce que trop grand, il ne rentrait pas dans le coffre » nous glace le sang, connaissant le sort réservé à Lasa et Zabala, enlevés quelques semaines auparavant et détenus illégalement avant leur assassinat au palais de La Cumbre.
Mais au-delà de l'émotion, il est essentiel de comprendre pourquoi il est aujourd'hui possible d'entendre de telles propos. D'une part, il reflète l'état de la bataille de la mémoire. Le récit que certains veulent imposer est simple : le seul problème de toutes ces années était le terrorisme basque et le seul coupable était la violence de l'ETA, pathologique, insensée, sans aucune légitimité. La démocratie espagnole a triomphé et ceux qui était de son côté ont droit à une reconnaissance éternelle.
D’autre part, Barrionuevo peut parler tranquillement, car il sait qu'il n'est pas isolé, mais membre de tout un système. Comme lui, nombreux sont les responsables politiques et des forces de sécurité qui ont profité de l'impunité. Ils ont reçu la bénédiction de la justice et ont été soutenus par les gouvernements du PSOE et du PP. Comment Barrionuevo ne parlerait-il pas tranquillement, après avoir seulement purgé trois mois de détention suite à une condamnation à 10 ans de prison ?
Mais, quoique douloureuses, il faut "remercier" Barrionuevo pour ses déclarations. En effet, elles contredisent le récit dominant et rappellent la brutalité du conflit. Elles rappellent que la justice espagnole n'a jamais été qu'une arme de guerre contre le peuple basque. Elles rappellent la solidarité totale témoignée par les dirigeants du PSOE lors de son incarcération. En assumant sans état d'âme le terrorisme d'Etat, elles évoquent également les états d'exception, le plan ZEN, la torture systématique et la répression violente. En bref, la responsabilité de l'État espagnol dans l'origine et la prolongation du conflit armé au Pays basque. Et elle soulignent en même temps, les nombreuses étapes qui restent à franchir par certains des protagonistes du conflit politique du Pays Basque pour aller vers une situation normalisée.